En conclave à Hammamet pour quatre jours, l’Union générale des femmes arabes plaide pour un nouveau traitement médiatique de la question de l’éducation des adultes, sous un angle humaniste qui consacre les droits de la femme au savoir et à l’autonomisation.
Sous le thème central «Tech- niques d’information et de communication, pilier stratégique de renforcement des programmes d’alphabétisation et d’apprentissage à vie», l’Union générale des femmes arabes (Ugfa) est en conclave, depuis jeudi, à Hammamet, et dont les travaux prendront fin demain, dimanche.
Un défi arabe à relever
Quatre jours durant, les femmes participantes, venant de l’Algérie, de la Libye, d’Egypte, du Maroc, du Soudan, du Liban, du Yémen, de Jordanie, de Palestine, du Bahreïn et du Koweit, ont dû exposer leurs expériences dans le domaine d’enseignement pour adultes, les points forts et les défaillances y liés, difficultés de parcours, mais aussi d’autres freins de motivation. Les nouveaux défis d’analphabétisme s’invitent aussi au débat. Il est vrai que l’on a beaucoup misé sur l’enjeu de sortir du carcan de l’ignorance et de l’illettrisme, vers l’émancipation et l’autonomisation. C’était, relativement, le cheval de bataille des gouvernements des pays arabes, à peine libérés de l’emprise du colonialisme. Bon an mal an, ils ne sont pas, jusque-là, arrivés à réa- liser les objectifs onusiens escomptés, à savoir «assurer l’accès de tous à une éducation de qualité sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie».
Depuis, on a du mal à accéder au savoir au sens classique du terme et consacrer, à vrai dire, le droit d’accès à l’école publique. En Tunisie, cela était général et quasiment gratuit, au moment où l’école fut considérée comme un acquis, voire un véritable investissement dans le capital humain. Relever ce défi était, au fil du temps, un réel engagement pris, pour lequel des moyens nécessaires à son succès ont été mobilisés. L’objectif étant, au départ, de réduire le taux d’analphabétisme à son plus bas niveau, à même de hisser l’apprenant à des paliers supérieurs. Toute- fois, ce taux demeure encore élevé à l’échelle nationale, frôlant, aujourd’hui, les 18% Soit l’équivalent de deux mil- lions d’analphabètes, avec de fortes disparités régionales, en termes d’âge et de sexe, selon Ali Felhi, directeur général du Centre national d’enseignement pour adultes, relevant du ministère des Affaires sociales.
Education d’adultes : l’ancien modèle revisité
Dans un bref mot de bienvenue, Mme Radhia Jerbi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, Unft, et vice-présidente par intérim de l’Ugfa, a souligné que le choix d’aborder le rapport des médias à la question de l’éducation d’adultes n’est guère fortuit. «C’est un fait plutôt dicté, vu le milieu dans lequel vit la femme arabe et qui est caractérisé, dans son ensemble, par la recrudescence de la violence à son égard», argue-t-elle. Et d’expliquer que cette violence est due, en partie, à la situation de la femme dans le monde arabe, en termes d’apprentissage, d’égalité, de justice, de démocratie et des droits, tels qu’ils sont enseignés dans nos systèmes éducatifs arabes. «Or, ces questions humanistes nécessitent d’être dûment intégrées non seulement dans nos systèmes éducatifs organisés, mais aussi non formels, à savoir l’éducation d’adultes ou l’apprentissage à vie», plaide Mme Jerbi, faisant valoir l’expérience tunisienne dans ce domaine. Son Union est aussi citée en exemple, de par le succès qu’elle a réalisé, ces dernières années. D’ailleurs, le centre pilote de la femme rurale à Chebedda, créé à son initiative en 1992, fournit les meilleures prestations en matière d’alphabétisation et d’apprentissage à des métiers d’artisanat et d’élevage. «L’on peut dire que ce modèle d’éducation est de nature à sortir la femme de son isolement, acquérir des connaissances et lui conférer les atouts de son autonomie économique», a-t-elle encore ajouté. Et pour cause ! Le recours aux médias, en tant que relais de communication et de sensibilisation sur la question, est plus que nécessaire. «Ils sont des porte-voix de celles qui ne l’ont pas…», résume-t-elle.
Au fil du temps, ce modèle d’enseignement non formel avait toujours des hauts et des bas. Il vient de faire peau neuve, s’offrant un nouveau concept andragogique qui tient compte des nouvelles mutations sociétales. D’après son directeur général, M. Felhi, le Centre national d’enseignement pour adultes a, déjà, changé de nom, baptisé désormais Centre national d’apprentissage à vie.
Alors, il n’y aura plus d’acquis limités dans un cursus permanent. «Ceci étant, pour pallier le fléau de “la pauvreté d’apprentissage”, suivant une philosophie et une vision sociologique qui rompent avec des clichés quantitatifs, dans le but d’adopter d’autres approches qualitatives, censées mieux cerner les causes derrière dont, entre autres, cette pauvreté d’apprentissage…», explique-t-il, rappelant qu’un cadre référentiel quadrilingue a été signé en matière d’apprentissage à vie.
Ceci pourrait, à l’en croire, servir comme point d’appui scientifique sur des connaissances de base et des compétences du savoir-vivre. A cela s’ajoute l’initiation à des valeurs incitant à l’importance d’apprendre, ce qui facilite l’intégration socio- économique. Et M. Felhi d’annoncer la création d’un nombre de centres pilotes d’apprentissage à vie dans certains gouvernorats, en signe de réponse aux exigences de la politique de l’Etat dans ce domaine.
Une cause qui mérite d’être médiatisée
DVV International, Ong allemande chargée de l’éducation des adultes, adopte les mêmes idées. Elle est axée sur la création d’un système interdisciplinaire dans lequel l’apprentissage, tout au long de la vie, englobe non seulement l’acquisition de connaissances et de compétences, mais contribue aussi au développe- ment de la communauté, à la promotion de la démocratie et au développement de l’économie locale. A cela s’ajoute l’analphabétisme numérique comme un défi universel. «Nous avons besoin de ce conclave pour plaider la cause de l’éducation d’adultes, mais également l’apprentissage tout au long de la vie. Et nous avons, réellement, besoin plus de communication heureuse et positive pour jeter la lumière sur cette question», s’exprime Donia Benmiloud, directrice régionale pour l’Afrique du Nord de DVV International dont le siège est à Tunis. Et de recommander, «durant ces quatre jours, on doit insister sur le positif, sur ce qui est fait de positif dans le domaine et ne pas rester toujours englué dans des messages négatifs». Car, il y a, quand même, du bon et du mauvais, des pratiques et des expériences qui méritent d’en parler. «La Tunisie est un pays qui regorge de ressources en matière d’éducation d’adultes sur laquelle on pourrait communiquer plus. Je crois que les médias présents, aujourd’hui, vont pouvoir aider pour plaider en faveur de cette cause, tant au niveau politique qu’associatif», appelle-t-elle. Son message va dans le sens de décloisonner et briser les barrières entre les associations, afin d’avoir gain de cause.